Interview d’Adeline Jacquart, psychologue sur la médiation canine

Date de publication : 16-01-2023

Aux côtés d’Adeline Jacquart, psychologue, les chiens « Lucky » puis « Team » ont reçu, apprivoisé, soutenu, aidé et soigné des centaines d’enfants et d’adolescents au Centre Médico Psychologique-Hôpital de Jour Jean Itard des Sables d’Olonne. Rencontre avec Adeline Jacquart.

  • Comment avez-vous eu l’idée d’associer un chien à vos consultations ?

L’idée de la médiation animale m’est venue il y a environ 10 ans alors que j’accompagnais un enfant autiste. Dès qu’il voyait un chien dans la rue, il était terrorisé. À l’époque, j’avais moi-même un golden retriever, chien de nature sensible, qui répondait aux consignes d’un enfant de trois ans. L’idée a fait son chemin… J’ai posé l’hypothèse qu’un enfant aurait moins peur d’un chien s’il parvenait à avoir un minimum de contrôle sur le comportement de l’animal. Le Docteur Corine Delon-Saumier, pédopsychiatre, a soutenu cette idée et validé le projet d’une promenade en forêt avec le chien. L’enfant a terminé la séance en tenant la laisse de mon golden et quelques années plus tard, il a fièrement déclaré : « J’ai plus peur des ascenseurs et des chiens ! ».

  • Quelle formation à la médiation animale avez-vous suivie ?

L’amour des animaux ne suffit pas, il faut une formation solide sur le comportement de l’espèce avec laquelle on travaille. En 2015, j’ai obtenu un Diplôme Universitaire « Relation Homme-Animal » à Paris 5 et j’ai suivi une autre formation sur le thème « Autisme et médiation animale ». Un des collègues du groupe avait un golden retriever, qui a eu une portée de neuf chiots. C’est ainsi que « Lucky » est arrivée à mes côtés au Centre Médico-Psychologique des Sables d’Olonne.

  • Comment travaillez-vous avec votre chien ?

Pour qu’un chien soit compétent dans le travail, il faut qu’il soit d’abord heureux et équilibré. On doit répondre à ses besoins, à sa nature et lui offrir de nombreuses interactions positives, surtout au début de sa jeune vie. C’est une phase très importante et intense. Lucky a commencé à travailler à 8 mois jusqu’à ses 7 ans où elle est décédée brutalement. Il a fallu encaissé le choc et gérer parallèlement l’émotion des patients.

Puis Team, jeune chiot golden, est arrivée, par la magie des rencontres. Je souhaitais poursuivre le travail engagé. Avec un chien présent dans le cadre thérapeutique, on va plus loin et plus vite. En séance individuelle, sa présence contribue à créer un espace sécurisant, chaleureux, transitionnel. En collectif, il a également toute sa part ! Avec ma collègue psychomotricienne, nous animons le groupe « psychomotrichien ». Le chien est ici plus actif, il participe à toutes sortes de parcours, de « tours » que les enfants réalisent pour développer l’estime et la confiance en soi, l’empathie, la concentration, la gestion de la frustration. Les compétences techniques et relationnelles que les enfants se (re) découvrent leur donnent le sentiment d’être accueillis, capables, importants, regardés, entendus, attendus… et de savoir prendre soin de l’autre.

En tant que professionnelle, je dois toujours veiller à rester dans le cadre thérapeutique tout en ménageant mon chien. Je mets des limites en ne proposant pas la médiation animale à certains enfants trop imprévisibles, mais c’est mon choix personnel, respecté par l’ensemble de l’équipe. Je mets la priorité sur le respect de l’intégrité de chacun, y compris celle de l’animal.

  • Parlez-nous de l’arrivée de votre jeune chien Team

Je ne savais pas si c’était une bonne idée de l’amener toute jeune sur notre lieu de travail. Or, je suis agréablement surprise par ses réactions et j’observe les mêmes résultats chez d’autres collègues qui ont choisi des chiots préalablement sélectionnés pour la médiation animale. La vie est une succession de paris heureux sur l’avenir. L’avoir amenée dès son plus jeune âge a favorisé son intégration au CMP, mon bureau est sa seconde maison. Lors de nos premières séances, Team dormait beaucoup, elle était plutôt tranquille, cherchant les câlins. Mais pour obtenir ce résultat j’ai dû satisfaire ses besoins de promenades, de rencontres, de jeux, de flairages, de mordillements… Le travail éducatif et de socialisation est considérable.

Je demande toujours aux nouveaux patients leur accord concernant la présence du chien et j’ai 95% de réponses favorables, voire enthousiastes. Avec les enfants et adolescents, je profite de ce temps d’apprentissage avec Team pour rebondir et associer sur ce qui se passe. Si un jour Team est plus agitée, je vois avec les enfants comment la calmer, lui parler, évoquer ses émotions, demander ce qu’ils pensent ou ressentent aussi… L’animal se calque sur les enfants en déployant des comportements auxquels ils peuvent s’identifier. Cela contribue à favoriser la verbalisation, l’expression des émotions, l’évocation d’une souffrance… Ce sentiment d’être compris par le chien se double de la possibilité d’être compris des adultes dans un second temps. Le chien est alors en position de tiers facilitateur. Ce cadre thérapeutique devient une co-construction entre le jeune, l’équipe de soins et l’animal.

Pour conclure, je voudrais souligner la solidarité de mes collègues qui savent bien que la médiation canine porte ses fruits. Ce golden s’appelle Team en hommage à leur bienveillance lors de la mort de Lucky et pour leur confiance dans mon travail. En effet, un chien qui évolue dans une institution doit avoir des temps de pause, de jeux et de promenades dédiés. Il occasionne aussi plus de travail pour les agents de services hospitaliers. Cette ambiance favorable, positive, ainsi que le soutien de notre directeur, Pascal Forcioli, sont très précieux pour développer les projets de médiation animale et je les en remercie.

👉 Merci à Adeline Jacquart pour ce bel entretien // Propos recueillis par Katia Massol